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Vérification des casiers judiciaires : de nombreux problèmes soulevés
Publié; le 20 avril 2016 | Admin

Le ministère de l’Education nationale a entrepris une vaste campagne de contrôle bulletin n°2 du casier judiciaire et du fichier judiciaire national des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes pour certains de ses agents dans une instruction du 25 mars 2016.

Cette campagne fait suite à différentes affaires où des enseignants avaient soit été condamnés, soit en instance de l’être dans des affaires d’agression sexuelle sur mineur et continuaient à enseigner.

Lors d’une conférence de presse tenue le 19 février 2016, la ministre Najat Vallaud Belkacem a d’ailleurs fait porter la responsabilité des ces faits d’une part sur la Justice qui n’aurait pas averti ses services des condamnations portées contre des enseignants d’autre part sur les commissions paritaires académiques réunies en formation disciplinaire qui auraient manqué de discernement.

Rappelons tout de suite que les commissions paritaires n’ont qu’un rôle consultatif (décret n°82-451 du 28 mai 1982) et que les sanctions du 1er ou 2nd groupe sont prononcées par le recteur et celles du 3ème et 4ème par le recteur dans le premier degré et par la ministre dans le second.

Cette dernière a indiqué le 16 mars 2016 que, sur les quatre dernières années, il a été prononcé, primaire et secondaire confondus, 87 radiations de fonctionnaires pour des affaires liées à la pédophilie : 15 en 2012, 26 en 2013, 19 en 2014 et 27 en 2015.
Cette opération soulève de multiples interrogations sur son périmètre, sur son calendrier et sur son fondement juridique.

Echappent a priori aux contrôles les professeurs du second degré affectés dans l’enseignement supérieur (PRAG ou PRCE), alors que ces derniers sont susceptibles d’enseigner de nouveau en lycée ou en collège ; les inspecteurs, les recteurs, la ministre ne sont pas concernés par l’opération au motif qu’ils ne seraient pas dans l’exercice de leur profession en contact habituel avec des mineurs ; les personnels ex-TOS en établissements, non plus, du fait cette fois qu’ils relèvent désormais des collectivités territoriales ; les élèves ont également été oubliés alors que les enquêtes (SIGNA, SIVIS…) montrent qu’ils sont les principaux auteurs de violence en milieu scolaire.
Au fond, le ministère semble laisser entendre que seuls les professeurs exerçant dans le premier et le second degré sont susceptibles d’être des pédophiles.

L’échéancier annoncé pose également problème. La campagne de vérification des 900.000 agents est prévue pour durer « à peu près un an » à raison de 3.000 dossiers par jour. Elle a débuté dans l’académie de Reims qui a fait office de test : sur près de 20.000 dossiers consultés aucune anomalie n’aurait été constatée. Ce rythme ambitieux risque d’être difficile à soutenir, la politique d’austérité ayant supprimé de nombreux postes dans les rectorats et où de l’aveu même du garde des sceaux la « justice est à bout de souffle » et « n’a plus les moyens de payer ses factures » (JDD, le 2 avril 2016). Par ailleurs les opérations sont effectuées alors que le projet de loi déontologie des fonctionnaires met fin à l’imprescriptibilité de l’action disciplinaire et risque donc de rendre inutile une grande partie du travail demandé (article 27).

Enfin cette campagne fait l’objet de nombreuses critiques au nom du droit. Certains magistrats font en effet remarquer que la communication d’informations sur des affaires en cours est contraire à l’article 11 du code de procédure pénale qui dispose que « sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète. » Dans sa délibération n°2016-006 du 14 janvier 2016 la CNIL a pour sa part mis en garde les pouvoirs publics sur « l’atteinte à la vie privée que peut constituer cette consultation du casier judiciaire. » Dans une nouvelle délibération (n° 2016-073) en date du 24 mars 2016 elle a tenu à préciser « que cette instruction doit être réalisée dans le respect des dispositions de l’article 10 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, qui interdisent à tout responsable de traitement de prendre une décision produisant des effets juridiques à l’égard des personnes concernées sur le seul fondement d’un traitement automatisé de données. » La présomption d’innocence, proclamée à l’article 9 des Droits de l’Homme et du Citoyen (« Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ») et rappelée à l’article préliminaire du code de procédure pénale (« Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie ») est ici quelque peu malmenée.

Pour finir, si l’instruction du 25 mars 2016 prévoit que « les personnels pourront exercer leur droit d’accès et de rectification au traitement de leurs données conformément aux articles 39 et 40 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 » elle s’empresse d’ajouter que « le B2 étant, en application de l’article R.79 du code de procédure pénale, délivré à l’administration et non aux intéressés, il ne peut pas […] faire l’objet d’une reproduction à la demande de ces derniers. » Dès lors on voit mal comment peut s’exercer un droit d’accès ou de rectification.

La campagne de consultation du bulletin n°2 du casier judiciaire et du fichier judiciaire national des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes semble destinée à calmer l’opinion publique et à dédouaner la responsabilité de l’administration centrale en cas de nouveaux faits divers impliquant des enseignants. Si son efficacité à protéger les mineurs est fort discutable, ses conséquences négatives pour les professeurs semblent bien réelles puisqu’ils sont tous soumis à une sorte de présomption de culpabilité que seule la consultation du bulletin n°2 de leur casier judiciaire et FIJAISV peut dissiper.

Au lieu d’utiliser cette procédure lourde, peu efficiente, et quelque peu vexatoire pour les personnels, il aurait été sans doute plus satisfaisant de suivre la voie indiquée par le ministère de la Justice dans sa circulaire adressée le 29 novembre 2001 aux procureurs généraux près les cours d’appel : « Aussi vous serais-je obligé de bien vouloir rappeler aux procureurs de la République de votre ressort l’obligation qui leur est faite, sous votre contrôle et en application des instructions circulaires précitées, d’aviser les chefs directs de tout agent public ou fonctionnaire des poursuites engagées et des condamnations définitives prononcées contre lui. »

Il est vrai qu’elle aurait été moins médiatique.

Montreuil, le 19 avril 2016

cale

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